Luca «Lazylegz» Patuelli: «Ta différence devient ta force»
Pour une troisième année consécutive, le danseur de break Luca « Lazylegz » Patuelli sera l’ambassadeur de la Semaine québécoise des personnes handicapées, qui aura lieu du 1er au 7 juin. Une occasion idéale de poursuivre les discussions sur l’accessibilité et l’inclusion, lui qui espère effacer un jour les tabous autour du handicap.
« J’aimerais voir une société où le handicap n’est plus un tabou. On parle d’inclusion, d’intégration, mais ça reste encore une histoire de cocher la bonne case, d’avoir un quota de personnes handicapées dans la société. Pour moi, il faut que ce soit naturel, que les personnes soient engagées pour ce qu’elles sont vraiment », exprime Luca Patuelli.
En effet, handicapé de naissance, le danseur a manqué de modèles comme lui dans son quotidien. « C’était très rare de voir des personnes handicapées travailler, mais aussi tout simplement accomplir des choses, se souvient-il. À l’adolescence, j’étais aussi timide à cause de mon handicap, ça me stoppait dans mes relations avec les autres. » Malgré cela, « Lazylegz » a toujours eu une famille et un entourage aimants qui l’ont soutenu dans ses défis. « J’ai toujours été très actif et je ne me voyais pas vraiment comme différent des autres. Mes amis faisaient du skateboard, j’en faisais avec eux, mais sur les genoux et ils acceptaient très bien ça [rires] ! Même si les intimidateurs ont été présents à plusieurs reprises dans ma vie, le soutien de mes proches était assez près pour être capable de les gérer », livre-t-il.
Cette année, la Semaine québécoise des personnes handicapées focalise sa campagne sur le dialogue, le besoin de briser les tabous et de poursuivre la sensibilisation. « Je sens qu’il y a une certaine évolution. Les personnes en situation de handicap sont plus visibles que lorsque j’étais jeune. Et chez les jeunes, lorsque je me déplace dans les écoles pour donner des ateliers, je constate que la mentalité a changé, que les jeunes sont beaucoup plus ouverts, que le jugement est moins présent, c’est positif », raconte M. Patuelli.
Cependant, il reste tout de même beaucoup de chemin à parcourir selon lui. « En 2024, tu peux penser que toutes les stations de métro de Montréal sont accessibles. Eh bien non, il n’y a que 27 sur 68 stations [qui le sont]. Dans les écoles, mêmes constats : elles sont nombreuses à ne pas offrir d’ascenseur. Si un enfant se casse une jambe, même sans parler de handicap, on fait comment ? J’aimerais plus de travail au niveau des communautés locales et des gouvernements pour voir de réels changements », poursuit-il.
Pour l’artiste, le travail de sensibilisation doit se faire des deux côtés. En effet, il pense que les personnes sans handicap ignorent certains aspects de la vie des personnes handicapées, et vice-versa. « La conversation doit se faire dans les deux sens, pour que tout le monde y gagne davantage d’opportunités sinon il y aura toujours un déséquilibre », dit-il. Pour ce faire, il estime que la curiosité reste une qualité qui peut aider dans la démarche de discussion. « Souvent, quand je marche, les jeunes enfants me regardent, se posent des questions. Soit les parents vont baisser le regard et fuir, soit ils vont mentir et dire que j’ai eu un accident d’auto par exemple. Or, ce n’est pas vrai ! Il ne faut pas avoir peur de parler du handicap, de poser des questions, dans le respect. Même chose du côté des personnes handicapées, elles peuvent et elles doivent s’ouvrir aux personnes sans handicap. On a tous l’occasion d’apprendre les uns des autres. »
La danse comme outil de confiance
Artiste professionnel depuis maintenant plus de 20 ans, Luca Patuelli raconte que la danse a toujours fait partie de lui et l’a même aidé à construire sa confiance. « Ce que j’aimais du break, c’est que je pouvais créer mes propres mouvements. Oui, il y a un certain répertoire, mais ton individualité, ton style à toi, c’est ce qui va te faire ressortir dans la communauté. Donc dès mon plus jeune âge, j’ai construit ma propre gestuelle, que mes amis n’arrivaient pas à copier [rires] ! C’est la beauté de cette danse, ta différence devient ta force », raconte l’artiste.
Cela fait plus de 15 ans que Luca Patuelli enseigne la danse dans des organismes, des écoles, etc. Depuis 2018, il donne aussi des cours au Centre national de danse-thérapie, une initiative des Grands Ballets canadiens. Il y enseigne sa vision à des personnes vivant avec un handicap, mais pas seulement. « Peu importe le niveau de danse, la physicalité, les différents défis de chacun, je partage des concepts. Après, chaque danseur les interprète à sa manière. Je travaille individuellement ensuite avec eux et on élargit à d’autres mouvements », décrit-il. M. Patuelli donne notamment l’exemple d’une jeune atteinte de paralysie cérébrale et dont les mouvements sont spasmodiques. « Je lui ai montré des mouvements du popping, une danse qui se caractérise par des mouvements très contrôlés, alors on a beaucoup travaillé sur la respiration pour ensuite se caler avec la musique », ajoute-t-il. À l’occasion de la Semaine québécoise des personnes handicapées, M. Patuelli donnera d’ailleurs un cours de danse, ouvert à tous.
En plus de ses chapeaux de danseur, de professeur, d’organisateur d’événement, de coach, etc., Luca Patuelli a obtenu cette année la certification pour juger les qualifications de break qui détermineront les danseurs qui se rendront aux Jeux olympiques de Paris cet été. Enfin, il a chorégraphié et dansera pour l’ouverture des Jeux paralympiques le 28 août avec son crew, ILL-Abilities.