«Le nid du coucou», en porte-à-faux

On s’ennuyait d’eux. Bien que leur dernière apparition, dans La sorcière, ait (un peu) déçu, elle datait d’il y a sept ans. Une éternité pour des personnages chouchous. C’est ce que sont Erica Falck et Patrik Hedström, que la romancière suédoise Camilla Läckberg a mis au monde dans La princesse des glaces (publié en français en 2008) et avait jusqu’ici ramenés à neuf reprises. Puis, après une pause durant laquelle elle a signé, avec le mentaliste Enrik Fexeus, la trilogie mettant en scène Mina Dahbiri et Vincent Walder (La boîte à magie, Le culte et Mirage), la « reine incontestée du polar scandinave » reprend le collier en solo et, avec Le nid du coucou, revient pour une onzième fois dans la petite ville côtière de Fjällbacka.

Erica et Patrik y vivent avec leurs trois enfants. Il est toujours inspecteur au commissariat local et elle poursuit sa carrière de biographe qui s’articule autour de crimes non résolus. En entrée du roman, elle est en panne d’inspiration. Mais elle tombera sur la bonne idée lors de la fête donnée en l’honneur des noces d’or d’un couple en vue, Élisabeth et Henning Bauer. Ce dernier, l’un des plus célèbres écrivains suédois, est en plus à la veille de voir enfin son talent consacré : tout indique qu’il devrait recevoir le prix Nobel de littérature.

Les célébrations tournent toutefois au drame. Un ami des Bauer, photographe en vue, est assassiné alors qu’il prépare une rétrospective de son oeuvre… dont l’ultime cliché, désormais introuvable, s’intitule Culpabilité. Le lendemain, le fils du couple est abattu, de même que ses deux garçons. Naturellement, Patrik et son équipe s’occupent des deux affaires. Tandis qu’Erica, elle, commence à creuser le cas dont elle a entendu parler pendant le repas fatidique. L’histoire d’une femme transgenre, Lola, tuée à Stockholm en 1980. Sa fille, Pytte, a été une victime collatérale du crime, ayant péri dans l’incendie qui, après le meurtre, a ravagé leur appartement.

On s’en doute, puisqu’on connaît Camilla Läckberg et sa recette (à succès), les deux enquêtes vont finir par s’entrecroiser, le passé et le présent vont s’intercaler dans le texte, les thèmes sociaux vont poindre ici et là, les scènes de crime seront crues. La vie de famille d’Erica et de Patrik, elle, est par contre un peu moins présente ici, et ce n’est pas plus mal.

À travers ce moule familier évoluent Lola et Pytte, qui sont parmi les plus beaux personnages mis en page par la romancière. Leur relation est tendre et belle. Leur vie à deux est pleine de chaleur et celle de Lola, complexe, décrite avec doigté. Quant à la communauté culturelle au sein de laquelle elle évolue, elle est vibrante et cool. Des pages qui comptent parmi les points forts du Nid du coucou. Mais, en parallèle, il y a ces revirements qui, si un ou deux surprennent, sont assez prévisibles. D’autant que l’une des pistes suivies sent particulièrement le déjà lu.

Bref, des retrouvailles qui font plaisir, une lecture agréable, facile. Mais un « nid du coucou » au-dessus duquel on ne s’envole pas.

Le nid du coucou

★★★

Camilla Läckberg, traduit par Susanne Juul et Andreas Saint-Bonnet, Actes Sud, Arles, 2024, 432 pages

À voir en vidéo