«Dompter les vagues»: la violence de l’adolescence
Dans les années 1980, quatre adolescentes soudées font la pluie et le beau temps dans leur collège privé pour filles, situé dans un quartier riche de San Francisco, aux États-Unis. Mais le jour où la leader du quatuor, Maria Fabiola, affirme qu’elles ont été témoins d’exhibitionnisme, tout vole en éclats.
Refusant d’adhérer à la version des faits de son amie, la jeune Eulabee, d’origine suédoise, se retrouve à manger seule à la cafétéria et à longer les couloirs de l’école. Résignée à son sort, elle verra toutefois sa vie chamboulée par la disparition de la charismatique Maria Fabiola quelques mois plus tard, qui sème l’émoi dans le voisinage de Sea Cliff.
Figure de l’avant-garde intellectuelle et littéraire de la côte ouest américaine, l’écrivaine Vendela Vida signe ici un cinquième roman brillant, abouti et efficace, intitulé Dompter les vagues. Elle a auparavant publié quatre autres oeuvres, soit Sans gravité (2005), Soleil de minuit (2008), Se souvenir des jours heureux (2011) et Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage (2019).
Au premier abord, Dompter les vagues semble une histoire légère où le soleil scintille en permanence sur une bande d’adolescentes privilégiées. Or, il n’en est rien : celles-ci vivront tour à tour des violences qui les marqueront et les sortiront brusquement de l’enfance.
Deuil, trahison, misogynie, exclusion sociale, agressions : rien ne sera épargné à Eulabee, Faith, Julia et Maria Fabiola. Entre le récit initiatique et le suspense, ce livre mêle avec brio l’humour grinçant, la cruauté et le malaise.
Dans cet univers, plusieurs n’hésitent pas à mentir sans pudeur pour sauver leur réputation. La fiction occupe d’ailleurs une place importante au sein de la vie de ces adolescentes qui s’abreuvent de films comme The Breakfast Club ou de livres comme L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera.
Être extraordinaire
Au fil des pages, la narration glisse habilement du « nous » au « je », alors qu’Eulabee doit tenir tête aux autres et sortir du moule. L’adolescente ne peut compter que sur elle-même, entourée qu’elle est de professeurs inadéquats qui ne la prennent pas au sérieux et de parents peu à l’écoute.
L’enseignant de littérature de son collège, M. London, refuse d’ailleurs qu’elle développe ses propres goûts en matière de livres. Il s’offusque lorsqu’elle qualifie « d’ennuyant » Franny et Zooey de J. D. Salinger.
Qu’à cela ne tienne, Eulabee s’affirme et nage à contre-courant, même si cela lui vaut d’être confinée à la solitude. Dans son univers de filles modèles aux jupes d’écolières soignées, être différente a un coût. Pourtant, comme elles, plusieurs refusent de devenir la « copie conforme » svelte, jolie et sage de toutes celles qui sont passées par ce collège. « La seule façon de s’en sortir, [c’est] d’être extraordinaire », résume l’une d’elles.
Un livre captivant qui nous reste en tête bien après la lecture des dernières pages.