Osorio offre un sage prélude au Festival Orford Musique
Orford Musique proposait samedi un concert du pianiste mexicain Jorge Federico Osorio, le premier récital au Québec de cet artiste de 73 ans connu depuis des décennies des discophiles par une discographie constituée notamment avec celui qui fut le chef emblématique de l’Orchestre national du Mexique, Enrique Bátiz. Nous n’avons pas redécouvert un génie méconnu ou un artiste passé sous le radar dans le dernier quart de siècle, mais entendu la prestation solide d’un très bon musicien.
Il faut toujours être à l’affût de ces artistes, pianistes notamment, qui reviennent, sexagénaires ou septuagénaires, sur le devant de la scène, alors que l’on n’en avait plus entendu parler depuis longtemps.
En effet le « business musical » est intraitable, et la notoriété n’a parfois rien à voir avec la valeur des protagonistes. Des éclipses sont advenues, comme nous l’avons vu avec Christian Blackshaw, des traversées du désert aussi, avec Sergeï Babayan. Le cas le plus saisissant de « résurrection » fut Sergio Fiorentino (1927-1998) qui eut une carrière jeune (1953-1965), se consacra à l’enseignement (1965-1993) puis renoua avec la scène une fois à la retraite. Hélas, il en profita à peine quatre ans (tous comme les mélomanes) .
Au-delà du clavier
Dans le cas de Jorge Federico Osorio, en l’écoutant samedi « dérouler » sa Sonate D. 960 de Schubert, on comprend en tous points son rang et l’objectif anonymat international dans lequel il s’est peu à peu fondu. Il n’y a aucunement l’effet « Oh, quelle injustice de ne plus en entendre parler » ressenti quand le cubano-américain Horacio Gutiérrez, à la carrière florissante dans les années 1980, avait effectué en 2004 un « retour » par un remplacement d’une surprenante qualité dans le 4e Concerto de Beethoven à l’OSM.
Jorge Federico Osorio est un très bon musicien, qui ne bouscule pas l’avancée de la dernière sonate de Schubert. Les tempos, tenus et sereins, sont régis par des rapports logiques entre eux. Par ailleurs les dynamiques sont justes ; ni exagérées ni trop contraintes.
La première dimension qui manque est la palette de toucher. La sonate est très « jouée » ; elle n’ouvre guère des horizons atmosphériques ou philosophiques hors des touches et du clavier. Le pianiste ne semble pas, ainsi, imposer une hauteur de vue, pas plus que, second bémol, il ne rassure vraiment sur sa totale maîtrise à tout moment. Il y a, çà et là, pas trop grave, mais notable, tel petit dérapage dans le 1er mouvement. Pas de quoi saboter l’expérience, mais tout à fait de quoi se dire qu’on est assez loin des concerts de Blackshaw ou de Marc-André Hamelin dans Schubert dans cette même salle.
Un bon point dans cet après-midi avec Jorge Federico Osorio est son programme, avec une seconde partie (enchaînée sans pause) espagnole et sud-américaine débutant par trois danses de Granados. Dans toute cette partie, on notera une solidité digitale mieux assumée, mais, dans Granados, toujours ce manque de subtilité dans les climats. Belle partie mexicaine pour finir. Agréable concert sans révélation, donc.
Le programme
« Techniquement », ce récital était un prélude au Festival Orford Musique qui s’ouvrira officiellement vendredi prochain à 19 h 30 avec un récital d’Alain Lefèvre dans des oeuvres de Debussy, André Mathieu et ses propres compositions. Samedi à 16 h 30, les Violons du Roy et Thomas Le Duc-Moreau proposeront des partitions de Bach, Dauvergne et la transcription du Quatuor de Debussy.
La venue la plus originale de l’été à Orford, lors d’un festival placé sous le thème de la Belle Époque, sera celle du pianiste britannique de 27 ans Martin James Bartlett, vendredi 12 juillet à 19 h 30. Il interprétera des oeuvres de Ravel, Couperin, Debussy, Schumann, plusieurs tirées de son récent album Warner La danse.
Lors de ce Festival 2024, clos le 10 août par Stéphane Tétreault et Olivier Hébert-Bouchard, l’autre visite d’outre-Atlantique attendue sera celle, le 19 juillet, du Busch Trio dans le Trio de Ravel et le 1er Trio de Mendelssohn. Fondé en 2012, ce groupe reprend une dénomination légendaire (celle du Trio mené par Adolf Busch dans les années 1920-1930), un peu comme si une nouvelle marque de voitures se nommait Bugatti… Ce vrai-faux-nouveau- « authentique » Busch Trio s’est fait connaître par des enregistrements, plutôt bons, publiés par Alpha.