«Première Affaire»: les leçons du tribunal
Fraîchement diplômée en droit, Nora (Noée Abita), 26 ans, travaille dans un cabinet d’avocats spécialisé dans le droit des affaires. Du jour au lendemain, elle est propulsée dans sa première affaire pénale, pour laquelle elle doit se rendre d’urgence dans le nord de la France afin d’assister à la garde à vue d’un apprenti menuisier, Jordan (Alexis Neises), interrogé dans le cadre d’une enquête pour disparition.
Le cas, qui ne devait prendre qu’une journée, tourne au vinaigre lorsque l’adolescente disparue est découverte assassinée dans un boisé environnant, près duquel se trouvait le jeune homme le soir du meurtre. Lorsque les enquêteurs découvrent que la soeur de Jordan était en conflit avec la victime au moment des faits, ce dernier devient le principal suspect.
Malgré les réticences de son patron (François Morel), Nora, convaincue de l’innocence de son client, décide de le défendre coûte que coûte. Or, plus elle en apprend sur le passé trouble de Jordan et de sa famille, plus ses convictions s’effritent, tant sur l’affaire que sur la prétendue justice qui mène son travail. Sans compter que la jeune avocate multiplie les erreurs, allant même jusqu’à soutirer des informations confidentielles au brigadier responsable du dossier (Anders Danielsen Lie, impeccable), de qui elle s’éprend.
Pour sa première incursion dans le long métrage, Victoria Musiedlak construit un film sous haute tension, dont le scénario et la mise en scène, bien qu’imparfaits, tirent à merveille parti des silences, et des émotions qui y bouillonnent. Noée Abita, avec ses grands yeux qui se font le miroir de l’âme, est le véhicule idéal pour raconter cette histoire aussi complexe, remplie de revirements et de cris du coeur.
La première partie du récit, fort réussie, s’articule autour des défis liés à l’inexpérience et des difficultés telles que les violences sexistes, hiérarchiques ou âgistes que peut rencontrer une jeune femme dans le milieu judiciaire. La direction photo de Martin Rit, austère et naturaliste, rend justice à un monde certes rigoureux, mais froid, calculateur, dans lequel la rigidité des formules efface toute once d’empathie et d’humanité.
Le tout se gâte toutefois en milieu de piste, lorsqu’un revirement plus ou moins crédible fait chuter Première affaire dans le mélodrame. Sous le prétexte d’explorer l’horizon intime de l’héroïne, et de faire concorder son parcours avec celui de son client, la cinéaste perd de vue sa prémisse, s’intéressant davantage aux déterminismes sociaux qu’à l’univers de la justice.
Ainsi, en moins d’une heure, Victoria Musiedlak s’évertue à mettre en lumière les enjeux liés au harcèlement et à l’immigration, les frontières socio-économiques et les trahisons de classe, tentant d’ajouter de la chair autour de l’os d’un personnage dont l’innocence et l’empathie naturelle étaient en soi assez limpides. Ces questions, bien qu’intéressantes, sont malheureusement abordées de manière trop superficielle pour enrichir le récit.
Bien que la mise en scène demeure plutôt convenue, la réalisatrice parvient à diffuser un sentiment de tension soutenu, et à améliorer son intrigue par une impression tenace d’opacité et de mystère. Ambitieux, mais inachevé.