La Cour suprême de nouveau priée de faire traduire toutes ses décisions en français et en anglais

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, tient une conférence de presse à Ottawa, le 7 mai dernier.
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, tient une conférence de presse à Ottawa, le 7 mai dernier.

Dans un rapport préliminaire, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, donne de nouveau raison à un plaignant qui dénonce l’absence de traduction de milliers d’anciennes décisions de la Cour suprême du Canada. L’organisme québécois à l’origine des accusations est prêt à poursuivre le plus haut tribunal du pays pour le forcer à respecter ses obligations.

« Afin que la Cour suprême du Canada se conforme à ses obligations prévues à la Loi sur les langues officielles, je lui recommande, dans les 18 mois suivant la date du rapport final d’enquête, de veiller à ce que les décisions publiées sur le site Web […] soient dans les deux langues officielles », a écrit M. Théberge dans son rapport préliminaire d’enquête, dont Le Devoir a obtenu copie.

Le commissaire écarte notamment l’argument de la Cour suprême selon lequel son site Internet étant en français, cela suffit à remplir ses obligations en vertu de la Loi. Le commissaire souligne toutefois que « depuis 1970, la Cour suprême a été, parmi les tribunaux fédéraux, exemplaire en publiant simultanément ses décisions dans les deux langues officielles », et il reconnaît « les difficultés que connaît » le tribunal. Mais la Loi « ne prévoit aucune exception pour l’affichage d’informations historiques ».

M. Théberge avait déjà formulé cette recommandation en 2021, en réponse à la plainte d’une avocate de Montréal qui dénonçait le fait que quelque 6000 jugements rendus avant 1970 étaient disponibles dans une seule langue sur le site Internet du tribunal. L’organisme Droits collectifs Québec (DCQ) a lui aussi porté plainte, en décembre 2023, face à l’absence de changements.

De son côté, la Cour suprême affirme n’avoir ni l’argent ni les ressources nécessaires, avançant que la démarche coûterait « entre 10 et 20 millions de dollars » et requerrait le travail d’une « centaine d’interprètes » pendant dix ans. « On n’a pas cet argent-là. Alors, s’il y a quelqu’un qui l’a, tant mieux, ça va faire plaisir à ceux qui sont des amateurs de patrimoine culturel juridique », affirmait encore au début du mois de juin le juge en chef Richard Wagner.

« Depuis quand les ressources dont un organisme dispose lui permettent d’enfreindre la loi ? » demande le directeur général de DCQ, Étienne-Alexis Boucher. « Il est difficile d’imaginer que la Cour suprême puisse trouver dans cet argument un réel fondement. »

« La balle est dans le camp de la Cour suprême », indique M. Boucher, affirmant que si le tribunal « refuse de procéder » après la publication du rapport final d’enquête du commissaire, DCQ entamera des « procédures en Cour fédérale ». « Mais ce n’est pas notre objectif. Je ne me lève pas le matin en me disant : “J’ai hâte d’ouvrir des procédures contre la Cour suprême.” »

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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