Coup de chaleur

Ce n’est pas sans raison que les médias ont multiplié ces derniers jours les alertes prévenant de l’imminence d’une importante canicule s’abattant sur le Québec — et ça y est, on y est ! De tous les effets concrets du réchauffement climatique, les vagues de chaleur extrême comptent parmi les plus concrets et impitoyables, emportant même des vies dans leur sillage tant leurs conséquences sont imposantes. Il faut donc s’y préparer et les appréhender tel un phénomène météo extrême. Mais sommes-nous outillés pour y faire face ?

En fin de journée, lundi, l’humidité s’était abattue sur plusieurs régions du Québec, laissant présager des journées de lourdeur pénibles pour la majorité, hormis ces êtres d’exception aimant se vautrer dans la chaleur. Environnement Canada prévoit qu’un indice humidex de plus de 40 étirant ses effets néfastes sur trois journées est prévu dans certaines villes, dont Montréal. Pour des milliers de citoyens vulnérables, cette chaleur étouffante crée un risque réel pour la santé. Dans les établissements de santé et les résidences pour personnes âgées, un protocole d’urgence doit se mettre en branle, car des vies sont en jeu. Pour tous les élèves qui s’apprêtent à terminer cette semaine leur année scolaire, il faut espérer qu’il y ait au programme quelques jeux d’eau et des ventilateurs tournant à vitesse grand V. Les adolescents qui ont des examens du ministère à faire ces jours prochains n’auront pas le contexte de réussite idéal si la classe est étouffante, il faut bien le dire. Pensée spéciale aussi pour tous les travailleurs contraints de s’astreindre à des tâches à l’extérieur.

Pour le Québec du moins, le réchauffement climatique se traduit de la manière la plus concrète qui soit par ces canicules qui se multiplient, s’étirent dans le temps et surviennent de plus en plus tôt. L’année 2023 a été sacrée la plus chaude jamais enregistrée de l’histoire. La Terre a en effet atteint une température moyenne qui fut plus élevée qu’à l’ère préindustrielle par 1,48 °C. Ce résultat se rapproche dangereusement de la limite de 1,5 °C établie par l’Accord de Paris de 2015. Dans ce cycle de très mauvaises nouvelles, le Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques (GEA), créé par le gouvernement Legault, vient de prévenir que notre lenteur collective et mondiale à poser des gestes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) nous mène droit dans un mur : d’ici la fin du siècle, le réchauffement pourrait dépasser les 4 °C dans le sud du Québec.

Il y a dix ans à peine, le Québec enregistrait une moyenne annuelle de trois journées de plus de 32 °C. Les experts estiment que d’ici 2040, cette moyenne pourrait être de plus de 20 jours, et de près de 50 jours d’ici la fin du siècle. Ces épisodes plus longs et soutenus de chaleur extrême entraînent leur lot de conséquences graves sur la population et l’environnement : des pénuries d’eau potable à prévoir, des taux de mortalité anormalement élevés, des feux de forêt plus nombreux et imposants, comme ceux de 2023, qui ont consumé quelque 4,5 millions d’hectares de nos forêts.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que de tous les effets du réchauffement climatique, les vagues de chaleur extrême sont le facteur le plus meurtrier. Elles peuvent en outre exacerber des problèmes médicaux comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, les problèmes de santé mentale et l’asthme, en plus de contribuer parfois à accélérer la transmission de maladies infectieuses. En 2010, une canicule particulièrement accablante s’est abattue sur le Québec, entraînant le décès de 280 personnes. En 2018, 103 personnes en sont mortes. On se souviendra aussi de la tristement célèbre vague de chaleur de 2003, qui a causé le décès de 70 000 personnes en Europe.

Des constats aussi sévères devraient d’abord et avant tout mobiliser les populations du globe vers un objectif commun de réduction des émissions de GES. Hélas, notre engourdissement collectif semble imperméable aux statistiques, même les pires. Plus près de nous, nos institutions et municipalités peuvent-elles en faire plus pour atténuer les effets néfastes des vagues de chaleur ? Oui, nombre de stratégies d’adaptation pourraient être mieux déployées. On peut penser bien sûr à l’ouverture anticipée des piscines extérieures ou à des heures prolongées pour les bassins intérieurs. À une multiplication dans les villes de jeux d’eau et brumisateurs extérieurs. À une plus grande souplesse dans les organisations, comme ces écoles où des parents se sont heurtés à la bureaucratie crasse du système en voulant se mobiliser pour équiper les classes de climatiseurs.

Au-delà de ces actions concrètes destinées à soulager de manière immédiate, on doit aussi contrer les effets étouffants des îlots de chaleur en plantant des arbres, de manière à créer des zones de végétation rafraîchissantes. Penser l’aménagement des nouvelles rues pour permettre une circulation des vents ; multiplier les toits verts et les murs végétalisés ; construire les nouveaux bâtiments en prévoyant une excellente isolation et des systèmes d’aération. En attendant (et espérant) un renversement de tendances, les politiques publiques doivent être orchestrées de manière à atténuer le plus possible les effets de ces coups de chaleur sur les citoyens.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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