Les conservateurs évitent de prendre position sur les sites d’injection supervisée
Même si les politiques du gouvernement libéral en matière de drogue ont fait l’objet de maints débats à la Chambre des communes, les conservateurs offrent peu d’aperçus sur la stratégie qu’ils comptent mettre en oeuvre s’ils forment le prochain gouvernement.
Un gouvernement dirigé par Pierre Poilievre envisagerait-il de modifier le processus de demandes pour l’ouverture d’un site d’injection ? La porte-parole du parti en matière de toxicomanie, Laila Goodrige, dit ne pas pouvoir spéculer sur l’avenir.
« Mais je crois que ce sujet a été politisé de façon à mettre en opposition diverses perspectives. Cela n’est pas très utile », déclare-t-elle.
Dans un site d’injection, des usagers peuvent consommer de la drogue sous la surveillance d’une équipe qui peut intervenir en cas de surdose. Ces centres offrent souvent des tests de dépistage, nettoient les équipements pour éviter la propagation de maladie et réfèrent des patients à des centres de désintoxication.
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Le chef conservateur Pierre Poilievre a déjà fait valoir son opposition à toute forme de stratégie de réduction des risques visant à limiter la crise des surdoses d’opioïde, notamment la décriminalisation qui vise à empêcher des consommateurs à se retrouver en prison ou des programmes offrant des produits pharmaceutiques comme solution de rechange aux drogues vendues dans les rues.
M. Poilievre préfère libérer les toxicomanes de leur dépendance envers les drogues en insistant sur les traitements et le rétablissement. En 2022, il avait promis de créer un programme national de distribution de vaporisateurs nasaux de naloxone afin de contrer les effets des opioïdes.
Et les sites d’injection ?
Mme Goodridge rappelle que la Cour suprême a déjà tranché.
« Je vous recommande de lire son jugement », lance-t-elle.
En 2011, la Cour suprême avait jugé que la fermeture du premier site d’injection avait violé les droits des consommateurs garantis par la Charte.
Le cabinet de M. Poilievre a refusé de dire si les sites d’injection supervisée figureraient dans sa stratégie visant à résoudre la crise des drogues dures.
Il n’a pas répondu à une question concernant une prétendue déclaration de M. Poilievre lors d’un rassemblement dans le nord de l’Ontario en janvier. Selon le quotidien Sault Star, le chef conservateur aurait dit qu’il n’était pas prêt à subventionner les sites d’injection supervisée.
On ne sait pas non plus si M. Poilievre ordonnerait une révision des activités ou des conditions d’exploitation des sites d’injection.
« C’est comme si les conservateurs cherchaient à plaire à tout le monde, ce qui est impossible », souligne un ancien conseiller de l’ancien premier ministre Stephen Harper, Benjamin Perrin, aujourd’hui professeur de droit à l’Université de la Colombie-Britannique. « On appuie les sites ou on ne les appuie pas. »
Quatre ans après la décision de la Cour suprême, le gouvernement Harper avait adopté la Loi sur le respect des collectivités. Celle-ci obligeait notamment les demandeurs d’autorisation pour un site supervisé de consulter la population locale et la police ainsi que de fournir des renseignements sur le taux d’infractions mineures à proximité du lieu.
Une fois au pouvoir, le gouvernement libéral a adopté une loi visant à faciliter l’ouverture de sites supervisés. À l’heure actuelle, on en compte 39 dans l’ensemble du pays, selon Santé Canada. Dix demandes sont en train d’être examinées.
Plus tôt cette année, M. Poilievre avait demandé à ses partisans de s’opposer à l’ouverture prochaine d’un « nouveau site de drogue » à Richmond, en Colombie-Britannique. Il avait alors accusé les libéraux et les néo-démocrates de « forcer la main » de la communauté chinoise, dont certains membres s’opposaient à l’emplacement proposé.
Les détracteurs des conservateurs leur reprochent d’envoyer des messages mitigés au sujet des sites supervisés.
En avril, le député de Medicine Hat–Cardston–Warner, en Alberta, Glen Motz, a déclaré à la Chambre des communes que les centres de consommation supervisée étaient des utopies. De son côté, son collègue de Cariboo–Prince-George, Todd Doherty, avait laissé entendre que le parti n’avait pas encore établi une position ferme à ce sujet.
« Pas un seul conservateur, que ce soit notre chef ou nous-mêmes — aucun d’entre nous — n’a parlé des sites de consommation supervisée. Dans toute politique, dans toute conversation, la boîte à outils comprend de nombreux outils », a-t-il déclaré lors d’une réunion du comité permanent de la santé, au début de juin.
M. Perrin croit qu’un prochain gouvernement pourrait contourner le jugement de la Cour suprême en utilisant la clause de dérogation de la Charte.
M. Poilievre s’est déjà dit prêt à s’en servir pour faire adopter sa réforme du système judiciaire. Son cabinet a déjà tenté de préciser que la clause de dérogation ne serait utilisée que pour le droit criminel.
« C’est un enjeu de droit criminel », mentionne M. Perrin au sujet des sites supervisés.
Le cabinet a refusé de dire s’il en convenait.