Le Conseil de presse maintient une décision blâmant «La Presse» et le 98,5

« La Presse » contestait les griefs pour informations incomplètes, manque d’équilibre et apparence de conflit d’intérêts.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir « La Presse » contestait les griefs pour informations incomplètes, manque d’équilibre et apparence de conflit d’intérêts.

Le Conseil de presse du Québec maintient les griefs d’informations incomplètes, de manque d’équilibre et d’apparence de conflit d’intérêts, notamment à l’endroit du quotidien La Presse et du 98,5 FM (Cogeco Média), dans le cadre de reportages sur des allégations d’inconduites sexuelles visant l’humoriste Julien Lacroix. Dans une décision en appel parue jeudi, le « tribunal d’honneur » du journalisme estime que les principes déontologiques ont été appliqués correctement dans sa décision de première instance.

En novembre 2023, le Conseil a blâmé les journalistes Isabelle Hachey et Marie-Ève Tremblay, ainsi que le quotidien La Presse et la station de radio 98,5 FM, pour des reportages sur les deux ans de l’affaire Julien Lacroix. Les journalistes y remettaient notamment en question le travail d’enquête d’Améli Pineda, journaliste au Devoir, qui a révélé au grand jour les actes d’agressions et d’inconduites sexuelles reprochés à l’humoriste.

En réaction à ces reportages, Mme Pineda a porté plainte au Conseil de presse. La Presse a interjeté appel des trois griefs retenus par le Conseil en janvier dernier.

Les membres de la commission d’appel de l’organisme d’autorégulation des médias devaient déterminer si La Presse apportait des éléments démontrant que le comité des plaintes a mal appliqué les principes déontologiques en retenant les griefs. Dans un verdict rendu à l’unanimité, ils estiment que les articles afférents du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec ont été appliqués correctement et, par conséquent, maintiennent la décision rendue en première instance.

Retour sur les faits

En juillet 2020, Le Devoir publiait une enquête intitulée « Julien Lacroix visé par des allégations d’agressions et d’inconduites sexuelles », dans laquelle la journaliste Améli Pineda rapportait les témoignages de neuf femmes — dont certaines sous le couvert de l’anonymat — qui dénonçaient des actes inappropriés de nature sexuelle commis par l’humoriste.

En novembre 2022, le quotidien La Presse, sous la plume d’Isabelle Hachey, publiait un article intitulé « L’affaire Julien Lacroix, deux ans plus tard : des cicatrices et des regrets ». L’enquête a été réalisée conjointement avec Marie-Ève Tremblay, journaliste au 98,5 FM, qui a diffusé le balado en quatre épisodes L’affaire Julien Lacroix, deux ans plus tard le même jour. Les journalistes rapportaient que des femmes ont regretté d’avoir dénoncé l’humoriste.

En réaction à ces reportages, la journaliste Améli Pineda et une citoyenne ont porté plainte au Conseil de presse. Ce dernier a retenu un grief pour informations incomplètes et un autre pour manque d’équilibre, pour lesquels il a blâmé les journalistes Hachey et Tremblay, de même que les deux entités médiatiques.

Il a toutefois rejeté à l’unanimité les cinq autres griefs d’informations incomplètes déposés, ainsi que les griefs d’information inexacte et de partialité.

Le Conseil a par contre retenu un grief pour apparence de conflit d’intérêts à l’endroit de Marie-Ève Tremblay, blâmant cette dernière, La Presse et le 98,5 FM.

Seule La Presse avait porté les griefs en appel.

« Le dossier est clos »

« Je suis satisfaite de la décision unanime du Conseil de presse qui souligne pour une deuxième fois d’importants manquements dans la démarche d’Isabelle Hachey et de Marie-Ève Tremblay, qui ont dérogé à plusieurs principes du Guide de déontologie », a affirmé Améli Pineda après avoir pris connaissance de la décision en appel.

« Il est malheureux que tant de ressources aient été dépensées pour se justifier plutôt que faire simplement amende honorable, ajoute-t-elle. Au final, c’est le public qui a été induit en erreur et c’est lui qui est perdant dans toute cette démarche. Je l’ai dit à la suite de la première décision, cette plainte n’a en aucun temps eu comme objectif de personnaliser le débat, mais bien d’assurer le respect des normes déontologiques qui encadrent la profession de journaliste. »

« Cette deuxième décision favorable au Devoir renforce notre conviction que les journalistes de La Presse et de Cogeco nouvelles auraient pu faire mieux dans leur approche, estime le directeur du Devoir, Brian Myles. Les décisions du Conseil de presse servent de boussole déontologique et nous espérerons que celle-ci guidera la voie vers une amélioration continue des pratiques. »

Joint par Le Devoir jeudi, le vice-président à l’information et éditeur adjoint de La Presse, François Cardinal, a dit prendre acte de la décision du Conseil de presse du Québec. « Nous demeurons persuadés de la rigueur de la démarche journalistique de notre journaliste et de La Presse. Nous maintenons que celle-ci était conforme aux normes et pratiques journalistiques bien établies et que le Conseil de presse crée de dangereux précédents qui mineront la capacité de l’ensemble des journalistes québécois de réaliser et de publier des enquêtes sur des sujets d’intérêt public. »

Dans sa décision en appel, le Conseil de presse « rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le présent dossier est clos ».

Avec Florence Morin-Martel

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