Comment la hausse des taux hypothécaires freine-t-elle l’économie?

Les chocs de paiement ont pour effet d’induire une baisse des dépenses de consommation et une réduction de la demande.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Les chocs de paiement ont pour effet d’induire une baisse des dépenses de consommation et une réduction de la demande.

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La montée des taux d’intérêt hypothécaires vise à réduire les dépenses en bloquant l’investissement dans de nouvelles dépenses. Pourquoi alors monte-t-on les taux d’intérêt sur le renouvellement des emprunts hypothécaires existants ? Les emprunts étant déjà faits, la hausse des taux d’intérêt sur ces emprunts ne bloque aucun nouvel investissement. La logique de ce fonctionnement m’échappe.

Cette montée des taux hypothécaires a subi l’influence de l’austérité monétaire des banques centrales instaurée en réaction à la poussée de fièvre inflationniste. Ces dernières, en jouant leur carte d’une hausse de leur taux directeur, mènent leur combat contre l’inflation afin de resserrer les conditions de crédit et d’abaisser la demande.

Ce que la théorie économique appelle souvent cet arbitrage inflation-chômage a été d’autant plus musclé que les banques centrales devaient composer avec une situation de choc d’offre, puis avec la résilience du marché du travail.

Au Canada, cette lutte visant à combattre l’inflation avait pour cible principale les dépenses de consommation des ménages et un ancrage des attentes inflationnistes autour de la cible de la banque centrale.

Le choc de paiement que subissent les emprunteurs hypothécaires à taux variable et qui attend ceux qui devront renouveler leur prêt hypothécaire fait donc à la fois partie de l’objectif et des conséquences, à savoir qu’il a pour effet d’induire une baisse des dépenses de consommation et une réduction de la demande globale.

« Choc de paiement »

Dans son évaluation des risques financiers publiée en février, le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, relevait que du total de l’encours de prêts hypothécaires en février 2024, 76 % feraient l’objet d’un renouvellement d’ici la fin de 2026.

« Les propriétaires du Canada qui renouvelleront leurs prêts hypothécaires pendant cette période pourraient subir un choc de paiement, lequel sera plus fort pour ceux d’entre eux qui ont contracté leur prêt lorsque les taux d’intérêt étaient plus bas, entre 2020 et 2022. Les ménages plus fortement endettés qui ont contracté des prêts hypothécaires à taux variable, mais à versements fixes ressentiront sans doute ce choc plus intensément. » Ce dernier groupe compte pour environ 15 % de l’encours des prêts hypothécaires résidentiels.

Votre question soulève un point intéressant, soit celui du renouvellement, donc du choix du terme du prêt. En mai, le vice-président, économiste en chef et stratège Jimmy Jean et le stratège macro Tiago Figueiredo, du Mouvement Desjardins, ont mis en exergue la faiblesse et la limite d’une offre de produits hypothécaires sur le marché canadien, une offre fortement concentrée sur les prêts à taux fixe d’un maximum de cinq ans et sur les prêts à taux variable de cinq ans.

Cette structure hypothécaire axée sur les prêts à court terme renouvelables « limite les possibilités de protection contre la hausse des taux d’intérêt », disent-ils. « Cela a probablement exacerbé le choc de paiement. Notre analyse démontre que si l’option de fixer le terme d’un prêt hypothécaire à 10 ans avait été plus présente et attrayante, ce choc aurait été plus gérable pour les ménages qui l’auraient choisie », ont-ils conclu.

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