Cinq nouvelles politiques d’Ottawa

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, à la Chambre des communes le 18 juin dernier, à la veille de la fin de la session parlementaire à Ottawa
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, à la Chambre des communes le 18 juin dernier, à la veille de la fin de la session parlementaire à Ottawa

À travers des débats parfois hargneux, des scandales et des alliances, les parlementaires fédéraux ont fait progresser leur programme en faisant adopter cette session des politiques qui sont à même de changer le quotidien des Canadiens. Tour d’horizon.

1. Il y aura un registre des agents étrangers

Trois jours seulement après que la commission Hogue a conclu que des activités d’ingérence étrangère avaient bel et bien eu lieu lors des deux dernières élections fédérales, le gouvernement a déposé son très attendu projet de loi C-70, la Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère.

La législation prévoit notamment la création d’un registre visant à renforcer la transparence des activités des acteurs étrangers, registre qui existe déjà dans des pays comme les États-Unis et l’Australie. Toute personne qui, au nom d’un État étranger, tente de promouvoir des intérêts politiques de l’extérieur ou d’influencer les décideurs fédéraux devra inscrire son nom au registre dans un délai de 14 jours.

Le gouvernement donnera également plus de latitude au Service canadien du renseignement de sécurité dans la divulgation d’informations délicates. Comme les conservateurs voulaient une adoption rapide du projet de loi, le texte a cheminé rapidement aux Communes.

2. Médicaments gratuits, mais après un bras de fer

Les nouvelles négociations entre Québec et Ottawa sur l’assurance médicaments s’annoncent ardues, mais elles ne se tiendront pas avant que le Sénat termine son examen du nouveau programme social vedette de 2024.

Le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau avait promis à son partenaire, le Nouveau Parti démocratique, de commencer à réfléchir à une assurance médicaments universelle au Canada en échange de son soutien. Promesse tenue, puisqu’il veut payer les contraceptifs et les médicaments contre le diabète d’un océan à l’autre. Seul problème : le Québec dispose d’un régime hybride (public-privé) qui couvre déjà certains de ces médicaments. Selon la loi, une entente avec le fédéral est requise pour que les provinces bonifient leur propre régime.

Ottawa a célébré en juin le « succès » que représente son autre récent programme social, celui sur les soins dentaires. Deux millions d’aînés s’y sont déjà inscrits, dont 700 000 au Québec, province où 60 % des dentistes acceptent les chèques d’Ottawa.

3. Faire payer les 40 000 plus riches

Après plus de huit ans au pouvoir, le gouvernement Trudeau a présenté en 2024 un budget conçu pour plaire aux jeunes électeurs, les millénariaux et les membres de la génération Z. Pour réduire un déficit aggravé par les nouveaux programmes sociaux, on veut faire payer les riches.

Le gouvernement Trudeau augmente ainsi le taux d’inclusion de l’impôt sur le gain en capital dès le 25 juin. Seule une poignée de contribuables sont concernés — 40 000, selon le ministère des Finances —, soit ceux qui font plus de 250 000 $ de gains grâce à des actifs qui ont gagné en valeur, comme des actions ou de secondes propriétés.

4. Une citoyenneté pour les « Canadiens perdus »

S’il est adopté, le projet de loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, déposé en mai au Parlement, permettrait aux enfants nés à l’étranger d’un parent canadien également né à l’étranger d’obtenir automatiquement la citoyenneté canadienne.

Il s’agit d’une demande de longue date de nombreux groupes de défense des droits, née lorsque le gouvernement conservateur de Stephen Harper a modifié, en 2009, la loi afin d’empêcher les parents canadiens nés à l’étranger de transmettre leur citoyenneté, sauf si leur enfant est né au Canada.

Le projet de loi n’a que très peu progressé depuis son dépôt en Chambre.

Ce n’est pas la seule politique mise de l’avant par le ministre de l’Immigration, Marc Miller, à l’hiver. Ottawa a également annoncé une nouvelle limite de travail hors campus de 24 heures par semaine pour les étudiants étrangers applicable à partir de septembre et a imposé pour deux ans un plafond sur le nombre d’étudiants étrangers acceptés au Canada.

5. Le dernier scab

Dès l’an prochain, les entreprises sous réglementation fédérale ne pourront plus faire appel à des briseurs de grève en cas de conflit de travail — une interdiction déjà en vigueur au Québec depuis plus de 45 ans.

Le Nouveau Parti démocratique se vante d’avoir « forcé » les libéraux à adopter un projet de loi contre les « travailleurs de remplacement » en échange de son appui au Parlement. Coup de théâtre, le Parti conservateur vote lui aussi pour le texte, alors que Pierre Poilievre courtise ouvertement le vote des travailleurs syndiqués.

M. Poilievre a par exemple pris la parole lors d’un congrès de syndicats de la construction à Gatineau au printemps. Il n’est toutefois pas allé jusqu’à maudire les « scabs », comme l’a fait son adversaire Jagmeet Singh, ce qui lui a valu au passage des applaudissements plus nourris.

La nouvelle loi s’appliquera notamment aux secteurs des transports, des institutions financières et des télécommunications, mais n’entrera pas en vigueur avant 2025.

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