Lac-Mégantic, figure résiliente

Depuis la publication de mon livre S’adapter. Demain : les villes résilientes, en septembre dernier, j’ai eu l’occasion d’animer des conférences dans diverses villes et régions du Québec ainsi qu’en France. Mes interventions se concentrent sur la résilience urbaine, en explorant comment l’innovation, en matière de gouvernance, peut permettre aux municipalités de mieux répondre aux défis que leur pose la crise climatique.

Au coeur de mon propos, j’aborde la question fondamentale de la capacité des communautés à se prendre en main et à miser sur l’intelligence collective pour mettre en place de nouvelles façons de faire pour arriver à des résultats différents. Parce que c’est une évidence qu’il faut pourtant sans cesse répéter : on n’arrivera pas à des résultats différents si nous répétons les mêmes gestes et habitudes.

Pour rendre mon discours tangible, j’illustre mes propos avec des exemples concrets. Cela permet aux participants de se projeter afin de comprendre comment mettre en pratique ces idées dans leur vie quotidienne. Après tout, les théories restent abstraites tant qu’elles ne résonnent pas avec notre propre expérience. C’est ce que j’appelle donner du sens à la théorie, en l’incarnant dans la réalité des gens.

Le 2 mai dernier, j’ai participé à la Semaine de la transition énergétique à Lac-Mégantic. Cette visite, ma première dans cette ville marquée par la tragédie ferroviaire du 6 juillet 2013, m’a profondément touché. Le déraillement d’un train transportant 72 wagons-citernes de pétrole brut n’a pas que bouleversé la vie de cette communauté, elle en a redessiné aussi l’avenir.

À cette occasion, j’ai donné une conférence, animé un atelier de réflexion et un groupe de discussion. Malgré une préparation intense, je suis resté humble et même quelque peu anxieux sur la manière d’aborder la résilience avec ceux qui en étaient les parangons. Les Méganticois ont transformé leur affliction en une force remarquable.

Ma visite chez eux a agi comme une révélation sur la force de l’intelligence collective, un thème pourtant central dans mon livre. C’est que la réalité concrète de cette communauté — qui a uni détermination, talent et solidarité pour se reconstruire et continuer d’avancer dans l’adversité — m’a permis de découvrir toute la puissance de ce pouvoir. C’est dans des moments de mobilisation sincère et collective comme la tragédie de Lac-Mégantic que l’on peut saisir pleinement la portée de l’intelligence collective.

Devant ces gens qui ont traversé l’impensable, j’ai parcouru les pages de ma présentation pour rendre mon discours plus pertinent, plus concret. J’étais face à des individus humbles, qui se sont engagés à partager et à continuer d’améliorer leur quotidien tout en portant le souvenir indélébile du 6 juillet 2013.

Depuis le tragique événement, la communauté de Lac-Mégantic a cherché à se recentrer sur un même fil conducteur. Il s’agit pour elle de reconstruire en gardant un oeil tourné vers l’avenir et vers les générations futures, tout en évitant d’oublier et de répéter les erreurs du passé. Elle envisage aujourd’hui l’aménagement d’une ville prête à faire face à la crise climatique, armée d’une détermination inébranlable à mieux résister aux futures catastrophes environnementales.

En parcourant la ville, la veille de la conférence, j’ai compris que ces citoyens, qui avaient enduré l’inimaginable, n’avaient peut-être rien à apprendre de moi. Au contraire, ces personnes extraordinaires, toutes animées d’une ferme volonté de s’améliorer, connaissent déjà fort bien l’importance de lutter contre les forces indomptables de la nature en travaillant sans cesse à minimiser nos vulnérabilités.

Ils ont rapidement saisi le principe essentiel que j’évoquais plus tôt. Ils savent dans leur corps, dans leur coeur et dans leur âme que, pour obtenir des résultats différents, il faut agir différemment. C’est pourquoi ils sont constamment en quête d’innovation. Qu’ils soient petits ou grands, ces gestes, ils étaient fiers de les dévoiler lors de l’événement, avec, entre autres, la mise en place du premier microréseau électrique solaire au Québec, un projet développé localement grâce à leur intelligence collective.

De cette visite à Lac-Mégantic, je retiens une leçon vitale qui renforce mes convictions : la résilience et l’innovation sont avant tout les fruits d’un effort humain qui met la nature au centre de ses préoccupations. Les habitants de Lac-Mégantic, en plaçant le bien collectif devant leurs besoins individuels, illustrent parfaitement le principe voulant que, sans une solidarité inébranlable face à l’adversité, nos communautés ne pourront pas surmonter les défis posés par la crise climatique.

La force et la résilience des gens de Mégantic existaient probablement avant le déraillement du train infernal. Toutefois, la population a révélé sa vraie nature lorsqu’elle a dû affronter une crise d’une ampleur inimaginable. Face à l’adversité, les humains dépassent leurs limites et innovent. Cette communauté a surmonté l’une des tragédies les plus dévastatrices du Québec moderne et, depuis, elle s’est dépassée d’une manière inspirante.

On pourrait croire que l’humain ne sait trouver cette force créative et se dépasser que lorsqu’il est au bord du précipice ou devant des obstacles lui semblant infranchissables. Aujourd’hui, alors que la crise climatique se pose comme le défi de survie par excellence à l’humanité, c’est cette résilience qui devrait nous servir de modèle pour mettre en oeuvre des solutions fondées sur la nature.

Pour nous adapter à la crise climatique, nous aurons besoin de la force et de la résilience de communautés comme Lac-Mégantic partout dans le monde. Méganticoises et Méganticois, votre courage et votre esprit sont une source d’inspiration. Merci de nous montrer la voie !

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

À voir en vidéo