Au Festival du Jamais Lu, choisir la lumière
Le choix n’aura pas été facile pour la cellule artistique du 23e Festival du Jamais lu, qui s’ouvre aujourd’hui. L’événement consacré à la découverte de pièces inédites a reçu un nombre record de propositions. La fondatrice Marcelle Dubois et le codirecteur artistique de l’édition 2024 se sont partagé 138 textes. « Il y avait tellement de très bons textes, de dossiers intéressants, pertinents. Et on a juste sept jours de mises en lecture ! » lance Lyndz Dantiste.
Le comédien goûte cette possibilité d’entrevoir la dramaturgie de demain. « On était beaucoup ces dernières années dans un esprit de revendication, de dire qui nous sommes en tant que nouvelle société québécoise, à tous les niveaux. Là, je sens un petit changement en train de s’opérer — qui a surtout été ressenti dans les textes qu’on a choisis. C’est comme si tous ces combats, ces valeurs-là sont maintenant une normalité, un état de fait accepté dans la plupart des textes. Disons qu’on parle encore d’identité, de diversité, mais ce n’est plus mis à l’avant. C’est inscrit dans l’écriture. »
Je pense qu’on a tous besoin d’un petit baume sur le coeur, d’un peu d’espoir
Il voit un « désir commun » de parler de l’avenir, de ce qui nous attend. Les neuf textes finalement mis en lecture ont été élus en fonction d’une ligne éditoriale intitulée « Attiser la lumière ». « On est dans une période où on sait que ça va mal, explique l’acteur. Je pense qu’on a tous besoin d’un petit baume sur le coeur, d’un peu d’espoir. »
La soirée d’ouverture, Uasheiau. Trouer les nuages, incarne bien cet esprit optimiste, tourné vers demain : une douzaine de duos artiste-enfant vont y performer dans un « état pur de créativité ». Lyndz Dantiste compte emmener ses trois petits (âgés de 2, 4 et 6 ans !) voir cet événement conçu par Soleil Launière et ses deux jeunes belles-filles, où « les enfants sont aux commandes, et les adultes doivent leur obéir ».
Sa fête
Et profitant du fait que son 35e anniversaire tombe durant le festival, le 7 mai, le codirecteur artistique a imaginé pour la clôture une soirée festive : La fête à Lyndz. Plaisirs luminescents. Le jubilaire accueillera les spectateurs à l’entrée, comme s’ils étaient invités chez lui. « Mais je ne voulais pas un événement trop porté sur ma personne. Surtout que le théâtre est un art collectif. Et donc, je parle des gens qui m’ont influencé dans ma carrière, parce qu’il n’y aurait pas de Lyndz au théâtre sans eux. Ce n’est pas parce que je ne crois pas en mes capacités, loin de là ! » précise-t-il en éclatant de rire. « Pour moi, c’est très honnête et sans prétention : ils sont la raison pour laquelle je suis ici. Ils sont en grande partie responsables de la personne que je suis aujourd’hui. » Selon le comédien, un parcours artistique ne se bâtit pas tout seul. « C’est la rencontre qui crée l’imaginaire, qui fait qu’on a confiance, qu’on a envie de faire des projets différents. »
La soirée qu’il animera va donc pénétrer dans le monde de cinq artistes, « qui vont danser ou jouer des textes inédits » : Étienne Lou, Ève Lemieux, Claudia Chan Tak, Jessica Beauplat et Tatiana Zinga Botao, sa cofondatrice du Théâtre de la Sentinelle. Dantiste présentera aussi un extrait de la pièce que ces complices l’ont encouragé à créer : La tragédie d’Andromak Sa a !. L’Andromaque de Racine « traduite en créole et contextualisée après la révolution haïtienne, donc avec le Nord contre le Sud », décrit l’auteur, qui aimerait voir sa pièce montée un jour, « surtout avec ce qui se passe en ce moment en Haïti ».
À son terme, La fête à Lyndz va se transformer en party, conviant les spectateurs à danser sur la scène. « Et on espère que cette soirée va leur donner envie d’attiser la lumière dans leur vie, que ça ne se finisse pas juste entre les murs des Écuries. Moi, je pense que ça peut être simplement de dire oui à certaines choses de la vie, ou de se dire bonjour dans la rue ! »
On serait tenté de dire que Lyndz Dantiste, qui semble lui-même un concentré d’énergie et d’enthousiasme, a de quoi célébrer. Les choses roulent pour l’interprète, entre autres, des récents M’appelle Mohamed Ali, Vous êtes animal et Le traitement de la nuit. On l’attrape durant sa pause dîner alors qu’il répète la comédie musicale Waitress : il va chanter dans l’ensemble cet été. « Pour moi, c’est comme un rêve d’enfant qui se réalise. J’ai toujours aimé la musique. Un concours de circonstances a fait que je me suis retrouvé en théâtre, et elle avait été laissée de côté. »
Et l’acteur a très hâte de jouer Iago l’an prochain dans Othello au théâtre du Nouveau Monde. Un vilain — « je n’ai pas l’habitude de jouer ce genre de personnage » — qui lui permettra d’explorer des zones inconnues. « C’est très excitant. »
Suggestions de lectures
Genèse d’une révolution sans mort ni sacrifice dans laquelle je ne fais surtout que plonger ma voix dans tes cheveux broussailleux : Le nouveau texte de Steve Gagnon énonce tout un programme. Une partition à trois voix lue par Véronique Côté, Marie-Thérèse Fortin et l’auteur lui-même.
Au marqueur permanent : La pièce de Carolanne Foucher s’inspire d’un groupe réel d’étudiantes américaines qui, 30 ans avant #MeToo, dénonçaient les agresseurs à l’université en inscrivant leur nom sur le mur d’une toilette…