Changement de garde en vue après l’élection générale au Royaume-Uni

Le candidat du Parti traivailliste, Keir Starmer, en campagne en Écosse, le mercredi 3 juillet
Photo: Andrew Milligan Associated Press Le candidat du Parti traivailliste, Keir Starmer, en campagne en Écosse, le mercredi 3 juillet

Les bureaux de vote seront ouverts jeudi dans tout le Royaume-Uni pour les citoyens qui s’apprêtent à élire leurs députés et, par le fait même, leur futur premier ministre. Cette élection a le potentiel de bouleverser le paysage politique britannique alors que le Parti travailliste est en solide position pour former le prochain gouvernement et reprendre au Parti conservateur le pouvoir que ce dernier détient depuis 14 ans.

Cette élection est la première depuis le Brexit, qui s’est concrétisé en janvier 2020. Quant au dernier scrutin général, il a eu lieu en 2019 : les électeurs britanniques avaient alors choisi les conservateurs du chef Boris Johnson, qui avait livré à la formation politique sa plus grande victoire depuis celle de Margaret Thatcher en 1987.

Mais le courant ne semble plus passer entre les Britanniques et les tories.

Le contexte politique est tumultueux depuis des années au Royaume-Uni : il y a eu cinq premiers ministres depuis 2010, dont un qui n’a été en poste que 49 jours. Le pays a subi, comme ailleurs, divers bouleversements, dont la crise financière de 2008, la pandémie de COVID-19, l’invasion de l’Ukraine et l’augmentation du coût de la vie, en plus des contrecoups du Brexit. Ce sont les tories qui étaient à la tête du pays pendant ces perturbations, et leurs décisions — comme la politique d’austérité de David Cameron, sa réponse à la crise de 2008 — leur ont valu diverses critiques au fil des ans. Et puis, les conservateurs ont dû faire face à des scandales qui ont terni leur image, comme le « partygate », nommé ainsi pour les fêtes tenues en pleine pandémie au 10, Downing Street, sous le premier ministre Boris Johnson, alors que de tels rassemblements étaient contraires aux règles sanitaires.

Qui est le favori ?

Les derniers sondages positionnent le Parti travailliste comme le grand favori pour remporter l’élection. Son chef, Keir Starmer, un ancien avocat de 61 ans, qui est au gouvernail depuis 2020, fait campagne sur le thème du changement. La formation politique de centre gauche n’a pas été au pouvoir depuis 2010.

Les conservateurs se situent en deuxième place et l’on retrouve en troisième position le parti populiste Reform UK, mené par Nigel Farage, qui a gagné en popularité dans les intentions de vote tout au long de la campagne électorale. Accusant les tories d’avoir failli à contrôler l’immigration, il semble réussir à leur siphonner des votes, ce qui pourrait contribuer à affaiblir les chances du parti au pouvoir.

Selon le plus récent sondage de la firme Whitestone Insight sur les intentions de vote, dévoilé mercredi, le Parti travailliste récolterait 38 % des voix contre 21 % pour les conservateurs et 18 % pour le Reform UK. Le système de suivi des sondages du quotidien britannique The Guardian accorde (en date de mardi) 40,7 % des votes aux travaillistes et 20,7 % aux tories, ce qui se traduirait par 127 sièges aux Communes pour ces derniers et accorderait un record de 428 députés aux travaillistes, bien au-delà du nombre dont ils ont besoin pour obtenir un gouvernement majoritaire.

Le ministre conservateur actuel Mel Stride a déjà concédé la défaite, avant même l’ouverture des bureaux de vote.

Pourquoi une élection maintenant ?

En mai dernier, le premier ministre sortant, le conservateur Rishi Sunak, en poste depuis octobre 2022, a déclenché une élection surprise, jetant le pays en campagne électorale — comme l’a fait récemment Emmanuel Macron en France, illustrant malgré lui qu’il s’agit parfois d’un pari risqué.

Des analystes avancent que le politicien de 44 ans espérait sauver les meubles conservateurs en misant sur sa politique migratoire ainsi que sur la récente embellie économique, le Royaume-Uni étant enfin sorti de la récession au premier trimestre de 2024.

Comment le premier ministre est-il choisi ?

Le système électoral britannique ressemble à celui qui prévaut au Canada. Les Britanniques se rendront aux urnes pour choisir un député dans leur circonscription — il y en a 650 au Royaume-Uni, réparties en Angleterre, en Écosse, au pays de Galles et en Irlande du Nord. Pour ce scrutin, plus de 390 partis politiques ont été enregistrés, dont plusieurs ne sont que des candidats satiriques, dont le « comte Facedepoubelle » (Count Binface), qui se présente dans la circonscription de Rishi Sunak.

Le Royaume-Uni a un système électoral « uninominal majoritaire à un tour » comme au Canada : bref, le candidat qui obtient le plus de voix l’emporte, même s’il n’a pas la majorité.

Après le comptage des voix, le roi ou la reine demande habituellement au chef du parti qui a réussi à faire élire le plus grand nombre de députés de devenir le premier ministre et de former un gouvernement. Une formation politique a besoin de 326 sièges pour former un gouvernement majoritaire.

Quels sont les enjeux ?

Marqués par une économie qui bat de l’aile, un service national de santé miné par de longues listes d’attente, une crise du logement et une nette augmentation du coût de la vie, les Britanniques ont évidemment l’état de leur portefeuille en haut de leur liste de priorités. Alors que le chef travailliste a ramené son parti plus au centre, il promet de ne pas augmenter les impôts des citoyens et des entreprises ni la taxe de vente — une approche semblable à celle de son rival conservateur, qui promet toutefois de réduire les dépenses publiques.

L’immigration préoccupe aussi les citoyens alors que les migrants continuent d’arriver sur les côtes britanniques par de petites embarcations. Rishi Sunak promet de mettre un plafond au nombre de migrants légaux et réaffirme son plan d’envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda, un projet controversé que le Parti travailliste a promis d’abandonner s’il arrive au pouvoir, pour plutôt se concentrer à renforcer la sécurité aux frontières.

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