Biden et Trump se disputent le vote ouvrier, enjeu crucial de la présidentielle
Historiquement fidèle aux démocrates, le vote ouvrier s’est progressivement déplacé vers la droite ces dernières années, au point de devenir un enjeu de campagne, alors que les deux candidats à la présidentielle américaine sont au coude à coude.
Joe Biden a marqué des points en s’assurant du soutien public de plusieurs syndicats majeurs, notamment celui des métallos, l’USW (United Steelworkers).
Mais cette allégeance ne garantit pas que la base va suivre dans les États où Biden et Trump sont quasiment à égalité dans les sondages.
« Pendant quatre ans, Donald Trump nous a parlé d’infrastructures, mais c’était des beaux discours », estime JoJo Burgess, ouvrier métallurgiste. « Joe Biden, lui, a tenu ses promesses. »
Sous son mandat, le Congrès a adopté, en 2021, un grand plan d’investissement de 1200 milliards de dollars destiné notamment à rénover les routes et développer les transports publics.
« Aujourd’hui, nous avons le président le plus favorable aux travailleurs américains qu’on ait jamais vu », insiste JoJo Burgess, qui est aussi le maire de la petite ville de Washington, dans la banlieue de Pittsburgh, en Pennsylvanie.
Ouvrier de maintenance chez le sidérurgiste US Steel, Rudy Sanetta lui préfère pourtant Donald Trump, « pour sa résistance aux politiques. L’autre, je n’ai aucune confiance en lui. »
Les électeurs ouvriers « sont les plus décisifs, parce qu’ils ont montré qu’ils voulaient faire un choix entre Trump et Biden », quitte à passer de l’un à l’autre au fil des scrutins.
Des sondages de sortie des urnes ont montré qu’en 2020, le report vers Joe Biden d’une partie de la classe ouvrière qui avait voté Trump en 2016 « a eu une influence significative » sur l’issue du scrutin en Pennsylvanie, dans le Michigan et le Wisconsin, selon une étude du cabinet Mike Lux Media et de la plateforme In Union.
« Faire imploser le système »
L’étude a montré une érosion du soutien à l’actuel président des États-Unis dans le Wisconsin et le Michigan, alors que la Pennsylvanie restait inchangée.
« Les démocrates doivent comprendre que ces cols bleus de l’intérieur du pays ont traversé pas mal d’épreuves ces dernières décennies », ont écrit les auteurs de l’étude, dont les deux organisations sont marquées à gauche.
Ils ont recommandé aux démocrates d’établir au plus tôt des contacts avec ces électeurs via des intermédiaires de confiance, susceptibles d’appréhender leur quotidien « pour limiter la désinformation en ligne et la pression sociale ».
Les auteurs du livre Rust Belt Union Blues, Lainey Newman et Theda Skocpol, voient dans le déplacement du vote ouvrier vers la droite le résultat de la désindustrialisation qui a particulièrement frappé le nord des États-Unis.
Ce mouvement a atténué l’influence des syndicats et réduit leur rôle sociétal, qui incluait événements et rassemblements. Entre 1983 et 2023, la proportion de travailleurs syndiqués a été divisée par deux et n’est plus que de 10 %, selon le ministère américain du Travail.
Selon les auteurs, nombre d’ouvriers se sont, dès lors, tournés vers d’autres vecteurs de socialisation comme la religion ou la chasse, deux sphères plus conservatrices.
Certains ouvriers ont pivoté vers Donald Trump après des décennies de déclin industriel pour « faire imploser le système », selon Bernie Hall, responsable syndical USW pour la Pennsylvanie. « Je pense que cette idée séduit encore pas mal de gens. »
Machiniste chez US Steel, Alex Barna a voté démocrate toute sa vie, avant de soutenir, par deux fois, Donald Trump, qu’il entend choisir, de nouveau, en novembre. Il a été séduit par ses baisses d’impôts et lui attribue le mérite d’une économie dynamique avant la crise du coronavirus.
« Notre portefeuille se portait bien », estime Helen, son épouse, qui reproche à Joe Biden d’avoir laissé filer l’inflation, ce qui a amputé le pouvoir d’achat des ménages. « Beaucoup de gens ne se souviennent que de ses tweets pendant quatre ans. Mais on vivait mieux, au moins. »