Une première baisse des taux d’intérêt en quatre ans

La Banque du Canada a procédé mercredi à une première baisse de ses taux d’intérêt, qui était très attendue.

Stable à 5 % depuis le mois d’août dernier, le taux directeur de la banque centrale a été réduit d’un quart de point de pourcentage, à 4,75 %. C’est la première baisse du principal instrument de politique monétaire de l’institution en plus de quatre ans — et une étape qu’attendaient avec impatience les nombreux ménages et entreprises qui ont durement senti l’effet de la hausse des taux d’intérêt sur leurs prêts hypothécaires, leur capacité d’investissement et, plus généralement, la vigueur de l’économie tout entière.

« Le Conseil de direction a convenu que la politique monétaire n’avait plus besoin d’être aussi restrictive », a déclaré le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, en conférence de presse. « Nous avons fait beaucoup de progrès dans notre lutte contre l’inflation. Et notre confiance que l’inflation va continuer à se rapprocher de la cible de 2 % s’est renforcée ces derniers mois. Nous avons réalisé des progrès considérables pour rétablir la stabilité des prix, ce qui est une bonne nouvelle pour la population canadienne. »

Cette nouvelle étape arrive après le choc économique provoqué par la pandémie de COVID-19, qui a d’abord forcé la baisse du taux directeur de la Banque du Canada de 1,75 % à 0,25 % d’un coup il y a un peu plus de quatre ans. Le taux de la banque centrale était resté à ce niveau plancher jusqu’à ce qu’une envolée surprise de l’inflation amène un changement brutal de cap, soit une remontée jusqu’à 5 % qui s’est étalée de mars 2022 au mois d’août dernier.

Le taux cible du financement à un jour de la Banque du Canada vise directement ses prêts et ses dépôts à très court terme liés aux institutions financières du pays, mais finit rapidement par influer sur l’ensemble des taux commerciaux de ces dernières — de leurs prêts hypothécaires aux prêts à la consommation, en passant par les intérêts qu’elles versent à leurs déposants. Il est le principal moyen employé par la banque centrale pour influencer le comportement des consommateurs et des entreprises afin de remplir sa mission première, qui consiste à garder l’inflation basse et stable autour de sa cible de 2 %.

Il était temps

Le moment d’une première baisse du loyer de l’argent au Canada était arrivé, estimaient un grand nombre d’observateurs depuis un certain temps déjà. Menée parallèlement à un resserrement des politiques monétaires de plusieurs autres pays, la forte hausse du taux directeur de la banque centrale canadienne entamée en mars 2022 a si bien pesé sur la vigueur de l’économie que les pressions sur les prix sont revenues à la normale, faisaient-ils valoir.

La banque centrale a elle-même relevé mercredi qu’après avoir stagné en deuxième moitié de 2023, la croissance économique a repris un peu de poil de la bête en début d’année tout en restant, à 1,7 % au premier trimestre, en deçà de ce qu’elle prévoyait encore au mois d’avril. Elle a aussi noté que le nombre d’emplois continuait d’augmenter, mais à un rythme inférieur à celui de la population, ce qui contribue à réduire les pressions sur les salaires.



Mais elle s’est surtout félicitée des progrès réalisés sur le plan de l’inflation. La croissance sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation est passée de 3,4 % en décembre à 2,7 % en avril, son niveau le plus bas depuis mars 2021. Les mesures de l’inflation fondamentale de la Banque du Canada se révèlent essentiellement les mêmes, et leur rythme d’augmentation sur trois mois est même passé sous la barre des 2 %. On se retrouve ainsi à l’intérieur de sa fourchette cible, qui va de 1 % à 3 %.

Vers une baisse lente et modeste

La banque centrale a bien pris soin de dire, et de répéter, que le nombre de baisses des taux d’intérêt à venir et leur rythme dépendraient de l’évolution de toutes ces variables.

« Si l’inflation continue à ralentir et que les données continuent à renforcer notre confiance qu’elle se dirige bien vers la cible de 2 %, il est raisonnable de s’attendre à d’autres baisses du taux directeur, a expliqué Tiff Macklem. Mais nous prenons nos décisions de taux une à la fois. Nous ne voulons pas resserrer la politique monétaire plus qu’il le faut pour ramener l’inflation à la cible. Mais si nous abaissons le taux directeur trop vite, nous pourrions compromettre les progrès réalisés jusqu’ici dans notre lutte contre l’inflation. »

Dans tous les cas, a dit le gouverneur, « il serait prudent de la part des ménages, des entreprises et des gouvernements » de ne pas compter sur un retour aux taux d’intérêt « inhabituellement bas » qui ont été en vigueur entre la crise financière de 2007 et la pandémie. Le taux directeur, qui ne passait jamais alors le cap des 2 %, répondait à un contexte et à des facteurs économiques qui sont différents aujourd’hui.

La semaine dernière, la douzaine d’experts du Conseil de la politique monétaire de l’Institut C.D. Howe estimaient que le taux directeur de la Banque du Canada devrait passer de 5 % à 4,25 % d’ici la fin de l’année, et se fixer aux alentours de 3,5 % dans un an. À court terme, les prévisions des analystes balançaient mercredi entre, d’un côté, une autre baisse de 0,25 point de pourcentage à la réunion du mois prochain suivie d’une pause en septembre et, de l’autre, le scénario inverse, c’est-à-dire une pause dès le mois de juillet et une possible hausse en septembre.

Le pied toujours sur le frein

L’une des choses qui pourraient faire hésiter la banque centrale canadienne à aller trop vite est que son équivalent américain, la Réserve fédérale, ne semble pas pressé de réduire son propre taux directeur, qui se situe actuellement dans la mince fourchette allant de 5,25 % à 5,5 %. En effet, le chemin de la Banque du Canada s’éloigne rarement de celui de sa voisine, parce que les deux économies sont étroitement interreliées, mais aussi parce que des taux plus faibles au Canada amèneraient une dépréciation du dollar canadien, ce qui se traduirait par une hausse du prix des importations et une augmentation des exportations, deux facteurs susceptibles de nourrir l’inflation.

« Il y a une limite à avoir des trajectoires divergentes, mais nous en sommes encore loin », a dit Tiff Macklem.

Dans tous les cas, les taux d’intérêt continueront d’exercer un frein sur l’activité économique et d’imposer un fardeau aux détenteurs de prêts hypothécaires, aux locataires et bien d’autres au Canada, a-t-il indiqué. D’autant plus que la banque centrale poursuivra, au même moment, sa politique de resserrement quantitatif, qui consiste à laisser fondre naturellement l’immense portefeuille d’actifs financiers qu’elle a constitué durant la pandémie comme une autre façon d’injecter des liquidités dans l’économie. Son bilan, qui avait bondi de 105 à 451 milliards de dollars au début de la crise, est ainsi revenu à 241 milliards au début du mois.

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