D’autres actes dégradants envers des joueurs de la LHJMQ révélés en justice

L’action collective contre la LHJMQ a été intentée au nom de tous les ex-joueurs qui, depuis 1969, auraient subi des «abus» dans les rangs de l’organisation alors qu’ils avaient moins de 18 ans.
Photo: Adrian Wyld Archives La Presse canadienne L’action collective contre la LHJMQ a été intentée au nom de tous les ex-joueurs qui, depuis 1969, auraient subi des «abus» dans les rangs de l’organisation alors qu’ils avaient moins de 18 ans.

Une nouvelle procédure déposée mardi dans l’action collective intentée contre la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) offre encore plus de détails sur ce qu’auraient vécu les jeunes au fil des décennies. Des ex-hockeyeurs y dénoncent divers abus et rituels d’initiation dégradants, dont avoir été obligés de courir flambant nus en ayant un raisin dans l’anus, s’être fait appliquer des couteaux congelés sur les parties génitales ou encore avoir été contraints de participer à un concours de masturbation en public.

« La culture de silence qui gouverne dans la LHJMQ a facilité et multiplié la perpétration des abus au fil des ans », est-il allégué dans cette procédure.

En avril, un juge a donné le vert feu à cette action collective, qui a alors pu aller de l’avant contre la LHJMQ et ses 18 équipes de hockey junior. La poursuite en dommages est intentée au nom de tous les ex-joueurs qui, depuis 1969, ont subi des « abus » dans les rangs de l’organisation alors qu’ils avaient moins de 18 ans.

Les « abus » comprennent « toute forme d’agression physique, sexuelle et/ou psychologique, notamment le fait d’avoir été confinés, rasés, dénudés, drogués et/ou intoxiqués de force, forcés ou encouragés d’agresser physiquement et/ou sexuellement autrui, forcés de boire ou de manger de l’urine, de la salive, du sperme, des excréments et/ou d’autres substances », est-il précisé dans le jugement d’autorisation.

À cette étape, les allégations de la procédure n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal. Mais un juge a déterminé qu’elles apparaissaient suffisamment sérieuses pour que l’action puisse procéder et se rendre à procès.

Forts de cette autorisation du juge, les avocats qui pilotent l’action collective ont ainsi déposé mardi une nouvelle procédure détaillant les cas de plusieurs ex-joueurs qui ont pratiqué ce sport dans la ligue au cours de diverses décennies. L’utilisation de pseudonymes a été permise afin que leur identité ne soit pas révélée publiquement. Celui qui est le représentant du groupe de victimes, Carl Latulippe, qui a joué pour les Saguenéens de Chicoutimi dans les années 1990, a toutefois accepté que son nom soit utilisé.

« Des dégradations régulières »

L’un des ex-joueurs qui ont accepté de raconter de façon anonyme ce qu’ils ont vécu a relaté avoir évolué dans diverses équipes de la ligue au début des années 1970. Il a notamment révélé que pendant les initiations, il a été maîtrisé par des membres de l’équipe qui lui ont enfoncé un glaçon dans l’anus. Des couteaux à beurre congelés ont été placés sur ses parties génitales. Un produit chaud — appelé « heat » — habituellement utilisé pour traiter les blessures a été appliqué sur ses parties génitales et lui a causé une sensation de brûlure extrêmement douloureuse. Il a aussi rapporté que les recrues avaient dû visionner des vidéos pornographiques contenant même des scènes de bestialité. Il a été contraint de participer à ce que les anciens appelaient « la chambre de la torture », est-il écrit dans la procédure.

Les violences n’étaient pas des événements isolés : l’homme soutient avoir été soumis, pendant sa saison de recrue, « à des intimidations et des dégradations régulières ».

On voulait donner d’autres exemples, pour illustrer ce que d’autres joueurs ont vécu

Un autre, qui a joué dans la LHJMQ au milieu des années 1980, a raconté avoir été contraint de participer lorsqu’il avait 17 ans à une « course humiliante » appelée « the grape race » (« la course du raisin »), durant laquelle les recrues devaient courir nues en ayant un raisin dans l’anus. Après chaque course, le perdant devait manger le raisin du gagnant. Un autre hockeyeur a aussi relaté avoir participé à ce rituel. Après avoir perdu, il a vomi en tentant de manger le raisin, est-il écrit dans la procédure.

Les ex-joueurs qui se sont confiés ont indiqué que des adultes responsables des équipes étaient au courant de ce qui se passait, y compris des entraîneurs et des membres du personnel soignant.

« Un problème systémique »

En ajoutant ces détails à la procédure, « on voulait donner d’autres exemples, pour illustrer ce que d’autres joueurs ont vécu », a expliqué en entrevue l’avocat principal du dossier, Me David Stolow. « Ça démontre la nature systémique des abus », ajoute-t-il.

Il est reproché à la ligue et aux équipes d’avoir ignoré ou toléré ces violences alors qu’ils avaient un devoir de protéger les jeunes joueurs. Dans la procédure, on les blâme pour avoir été au courant d’« un problème systémique de comportements abusifs envers les joueurs mineurs, exacerbé par une culture de silence qui est généralisée », et de n’avoir rien fait pour y mettre fin.

Il est réclamé au nom de Carl Latulippe quelque 650 000 $ en dommages et 15 000 $ à titre de dommages punitifs. Des sommes devant être déterminées ultérieurement seront aussi réclamées au nom de tous les ex-joueurs de la ligue, en réparation de ce qu’ils ont subi.

Leur nombre n’est pas connu, mais la ligue comptait bon an mal an quelque 400 joueurs, dit Me Stolow. L’action n’inclut toutefois que ceux qui avaient moins de 18 ans lors des actes reprochés. L’avocat rappelle que les ex-joueurs sont automatiquement membres de l’action collective : ils n’ont rien à faire pour y participer et espérer être indemnisés.

L’avocat souhaite que la poursuite en dommages progresse le plus rapidement possible. Il estime néanmoins qu’un an et demi ou même deux ans pourraient s’écouler avant le début du procès.

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