Les airs de famille de Martha et Norah
Allez savoir si c’est exprès. Le fait est qu’il y avait quelque chose qui rime entre elles dans ce programme double proposé deux soirs consécutifs à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Ça se suivait comme mercredi vient après mardi. Des rendez-vous qui allaient de soi.
D’abord Martha. Et puis Norah.
Martha de chez les Wainwright et des McGarrigle, familles royales du folk de chez nous. Norah Jones de l’illustre lignée des Shankar. Deux farouches interprètes qui se sont inventées hors des noyaux familiaux sans rien renier.
Des femmes extraordinairement singulières, qui sont parvenues à se distinguer sans se distancer, fortes de leur propre mérite et de leurs liens du sang.
C’est comme si elles devaient un jour partager une telle scène, dans un tel festival, dans cette ville qui les aime depuis longtemps déjà.
Martha chez Piaf
Il fallait entendre les spectateurs faire un joli triomphe plus que senti à Martha, après sa version immense de L’accordéoniste, déjà immortalisée par la Piaf. Il en faut de la gouaille, du chien, de la force dans les poumons et dans le coeur pour oser ça. Martha n’en manque pas.
« Merci encore à vous… et à moi ! », lancera-t-elle en fin de segment, fière et comblée. Sacrée Martha. La table ne pouvait pas être mieux sertie pour Norah Jones : on était d’emble entre soeurs d’âme de musique. Le fait est qu’elles ont déjà chanté ensemble, il y a longtemps, foi du collègue Rezzonico. Ça s’entendait.
Norah visionnaire
D’audacieuse en audacieuse, on aura pareillement revu la Norah Jones des meilleurs jours. L’album Visions, paru en mars dernier, était celui d’une chanteuse à tête relevée, à la joie panoramique. Tout l’opposé de Pick Me Up Off The Floor, l’album précédent, bon à ramasser à la petite cuillère.
Soulful d’entrée de jeu, légère dans sa robe paysanne, l’emblématique What Am I To You ? de l’album Feels Like Home a ravivé notre Norah bien-aimée des premiers jours. On était d’emblée dans les meilleures dispositions pour la suivre sur les chemins de Visions.
Bain de lumière
Une bonne moitié de son spectacle était consacrée à ces beautés encore fraîches et bienfaisantes : Sunrise, Paradise, la scène était baignée de bonne lumière. Pensez à une Carole King chez Roberta Flack, à des années 1970 de musique organique et saine. Façon Norah.
Çà et là, des virées du côté d’albums marquants, particulièrement Little Broken Hearts, balisaient des routes familières, mais c’était toujours pour préparer le terrain à la suite de la vie.
Car la joie de la Norah d’aujourd’hui ne vient pas de nulle part. Joie méritée. Parcours méritoire. Horizon à élargir. Musiciens à célébrer.
Qu’elle soit au grand piano blanc ou au piano électrique, elle avait du ressenti et du rebondi dans les arpèges. Dans I Just Wanna Dance, ça lui pétillait au bout des doigts, au rythme du plaisir partagé.
Droit devant
Ce n’était pas une suite de grands succès, et on ne s’en apercevait pas : le gospel était sans âge, comme il se doit quand on prie vraiment.
À la guitare, moments de grâce, Norah aura touché les notes les plus résonantes de la soirée : le picking électrique de Say Goodbye, le riff bluesy de Queen Of The Sea, c’était la promesse de jours meilleurs pour l’Amérique et l’humanité.
Des notes d’espoir. De la part de Martha et Norah.