Abandons d’animaux

Je suis médecin vétérinaire et bioéthicienne, je me passionne pour la saine cohabitation des humains et des animaux. J’ai occupé diverses fonctions, dont la présidence de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, et, depuis quelques mois, je suis gestionnaire d’un refuge ayant des contrats municipaux de gestion animalière.

Comme j’interviens régulièrement dans les médias, à l’approche du 1er juillet, date de déménagements massifs au Québec, on m’a demandé si je voulais rappeler au public que si l’on déménage, on doit emmener son animal de compagnie avec soi, tout comme on ne déménage pas sans ses enfants.

Non.

Pourquoi est-ce que je m’inscris en faux devant ce genre de campagne ? Je vais vous l’expliquer par l’exemple d’un couple à faible revenu avec enfants qui est en voie de séparation et qui vient de confier ses deux chiens de moins de 2 ans à mon refuge.

Premièrement, je suis désolée si cette déclaration est un choc pour certains, mais non, un animal de compagnie, dans notre société, n’a pas le même statut qu’un enfant. Dans l’échelle des valeurs de notre société et la mienne, la vie d’un enfant vaut plus que celle d’un chat ou d’un chien. Certains, comme moi, ont la chance et la possibilité de s’occuper de leurs enfants ET de leurs animaux, mais quand ça va mal dans la vie de quelqu’un, je comprends que la priorité soit accordée aux enfants.

Je crois aussi qu’il est inutile et contre-productif de culpabiliser des gens pour leurs mauvais choix passés. L’adoption de chacun de ces chiens était possiblement une mauvaise idée étant donné la durée de l’engagement, les coûts et le temps requis. Voilà pourquoi je m’investis beaucoup dans la sensibilisation et la prévention, mais au point où ces gens en sont, quelle utilité y a-t-il à leur faire porter le poids de la culpabilité en comparant l’abandon d’un animal de compagnie à celui d’un enfant ?

Soyons honnêtes. Regardons où nous étions il y a 5, 10 et 15 ans. La plupart d’entre nous ont vécu des situations imprévues. « Shit happens », disait Forrest Gump. Ces imprévus peuvent causer des abandons.

Les années et l’expérience m’ont appris que la négligence envers les animaux est associée de très près à la détresse des humains.

Si l’on force des gens à garder des chiens par sentiment de culpabilité, il est probable que la qualité de vie de l’ensemble de la famille (humains et animaux) en souffre.

Finalement, dans la crise du logement actuelle, les locataires ont peu d’options et de nombreux propriétaires refusent les animaux dans les logements locatifs. Les résidences privées pour aînés sont aussi nombreuses à le faire.

Vous l’aurez compris : je ne souhaite pas culpabiliser les gens quand il est trop tard, je souhaite toutefois participer pleinement à la prévention du problème, et j’espère que ce texte y contribue.

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