1667 ménages toujours sans logement au Québec
Aucune région n’échappe désormais à la crise du logement. Dressant le bilan de la situation, jeudi à Montréal, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a fait état de 1667 ménages sans logement, sans bail ou en recherche de logement, et ce, dans toutes les régions du Québec.
« La pénurie de logements est étendue comme elle n’a jamais été étendue à travers la province. Ce sont maintenant la totalité des municipalités du Québec où il y a une rareté de logements locatifs », a déclaré la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme.
« On veut toujours savoir quelle est la pire région, mais la situation se détériore partout au Québec. »
Toutes les villes d’importance de la province affichent en effet un taux d’inoccupation de 1,5 % ou moins, alors que l’équilibre se situe à 3 %. Plusieurs d’entre elles affichent même des taux en deçà de 1 %. C’est le cas, notamment, de Granby (0,3 %), Trois-Rivières (0,4 %), Drummondville (0,5 %), Rimouski (0,6 %) et Québec (0,9 %), alors que Gatineau se situe exactement à 1 %.
Vivre en camping ou dans son véhicule
Parmi les 1667 ménages sans logement en date de jeudi, un nombre qui ira sans doute en augmentant dans les prochains jours, 379 sont temporairement hébergés par les municipalités – dans des hôtels dans la plupart des cas – ou chez des proches. Les autres sont dans diverses situations précaires, notamment en camping ou dans leurs véhicules.
De plus, ce chiffre sans précédent survient alors que l’on constate une baisse importante du nombre de déménagements par rapport à 2018. En d’autres termes, même si moins de ménages déménagent, le nombre de ceux qui sont en difficulté augmente.
Véronique Laflamme a raconté à titre d’exemple que la pression est tellement forte qu’on a même vu un propriétaire évincer des locataires pour héberger son fils qui avait lui-même été évincé et ne parvenait plus à trouver de logement.
Bien que le FRAPRU salue l’élargissement des services d’aide financés par le gouvernement du Québec, il demande qu’ils soient financés et en vigueur à l’année puisque la crise dépasse maintenant le 1er juillet. « Il faut s’assurer qu’on continue d’offrir partout au Québec des services d’aide d’urgence à l’année pour éviter que des locataires tombent dans les mailles du filet. Les déménagements se font de moins en moins le 1er juillet », fait valoir la porte-parole.
Itinérance invisible
Plusieurs ménages s’approchent de ce qu’elle appelle l’itinérance invisible.
« Quand tu es en camping ou sur le divan d’un membre de la famille, que le taux d’inoccupation dans ta région est a 0 % cent, tu n’es pas loin de l’itinérance et c’est la raison pour laquelle on insiste autant sur l’importance d’avoir des services à l’année, de relogement des gens et surtout qu’on agisse maintenant pour avoir une alternative parce que les logements dont ont besoin les gens, ils n’apparaîtront pas par magie dans plusieurs cas. »
Elle note au passage que certaines municipalités ont refusé d’adhérer au programme d’hébergement temporaire, estimant cette intervention trop onéreuse. « L’hébergement temporaire est de plus en plus long. Les municipalités se font rembourser 50 % des dépenses liées à l’entreposage, au déménagement et à l’hébergement. Certaines n’ont pas la marge de manoeuvre financière requise. »
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Sévère manque de logements sociaux
L’organisme reproche par ailleurs sévèrement au gouvernement Legault son inaction en matière de construction de logements sociaux. Il presse Québec de présenter un plan d’action en matière de logement, soulignant que ce plan d’action est attendu depuis le printemps 2022 et déplore qu’aucune nouvelle consultation à ce sujet n’ait eu lieu depuis 2020.
Selon le FRAPRU, il faudrait construire quelque 160 000 logements sociaux d’ici 15 ans afin que ceux-ci représentent 20 % du parc locatif, un minimum dans le contexte de surenchère actuel.
Véronique Laflamme rappelle qu’Ottawa prévoit investir des milliards dans le logement social et appelle Québec à sauter sur l’occasion, ne serait-ce que par simple calcul comptable.
« Ne pas agir maintenant, ne pas financer des logements sociaux, ça coûte cher. L’itinérance, ça coûte plus cher que le logement social en santé, en services sociaux. Les conséquences sont durables sur les enfants qui vivent la crise. Les femmes victimes de violence conjugale. On connaît les conséquences du manque de logements sociaux depuis des années. Et là, maintenant, on sait que ça contribue à faire grossir les rangs des personnes en situation d’itinérance.
« Pour nous, c’est une économie de bout de chandelle de ne pas y investir. »
L’organisme va plus loin, réclamant l’interdiction de l’hébergement à court terme de type Airbnb, une mesure nécessaire dans un contexte de crise qui permettrait de remettre au bas mot 30 000 logements sur le marché.
Nombre de ménages sans logement ou à risque de l’être par région
Bas-Saint-Laurent : 171
Saguenay-Lac-Saint-Jean : 52
Capitale-Nationale : 139
Mauricie : 103
Estrie : 83
Montréal : 204
Outaouais : 136
Abitibi-Témiscamingue : 35
Côte-Nord : 0
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine : 11
Chaudière-Appalaches : 68
Laval : 104
Lanaudière : 188
Laurentides : 35
Montérégie : 293
Centre-du-Québec : 45
Compilation de la Société d’habitation du Québec (SHQ) en date du 4 juillet 2024